Que pensez-vous du fait que les personnes clairement défavorables sont souvent celles qui bénéficient le plus d'attention ?
C’est assez compréhensible. On considère généralement ces réactions défavorables comme prioritaires en raison des actions qui en découlent. Par exemple, quand les personnes défavorables s'adressent à la presse, quand elles créent un groupe d'action ou encore diffusent des informations qui ne sont pas toujours exactes. En tant qu'équipe projet, il faut réagir rapidement à ces actions.
Et d’un autre côté, il y a un large groupe de personnes dont on n'entend pas beaucoup parler, voire dont n'entend presque jamais parler. Il s'agit de la fameuse "majorité silencieuse". On pense souvent qu'elle est neutre ou positive (ou du moins plus positive) envers le projet. Je me demande toujours si ces personnes ont déjà une opinion, ou si elles sont simplement peu informées. Elles sont généralement un peu plus éloignées du projet et ne subissent pas les mêmes inconvénients que les riverains, par exemple.
Comment s'assurer que tous les avis aient leur place ?
Il est important que tout le monde soit présent autour de la table. Par exemple, je travaille sur un projet visant à créer une vision de développement pour un village. La coopération entre le village et la commune était difficile, ce qui signifie que la confiance devait être rétablie. En tant que consultants Connect, nous avons recommandé un processus de participation intensif qui a permis d’entamer un dialogue avec un large groupe de résidents et instauré une confiance mutuelle. Afin de réunir autour de la table non seulement les groupes d'action, mais aussi la majorité silencieuse, nous avons fait l’inventaire de tous les groupes et associations du village et nous leur avons demandé de venir participer au débat. Cela a débouché sur un processus de coproduction dans lequel des intérêts différents ont pu être représentés.
Une communication proactive est donc également importante. Il faut investir du temps et de l’énergie pour intéresser et impliquer la majorité silencieuse dans le projet. C'est pourquoi nous avons mis en place un dispositif d'information composé d’un site Internet, d'une newsletter mensuelle et d'un point d'information situé au centre du village.
Toutes nos actions et tous nos efforts se sont concrétisés lors d'un grand moment de participation qui a attiré beaucoup de monde. Nous avons conçu ce moment de manière à ce qu'il intéresse un large public. Il ne s'agissait donc pas d'une soirée de participation classique, mais d'une après-midi amusante pour les jeunes et les moins jeunes, avec de la musique, de la nourriture et des jeux. Bien entendu, nous avons demandé aux visiteurs de partager leurs avis et commentaires, ce qui était l'objectif principal de l'après-midi pour nous. Et les visiteurs ont également reçu quelque chose en retour.
Quelles leçons avez-vous tirées de cette expérience ?
J'ai appris qu'il faut vraiment consacrer beaucoup de temps et d’énergie à la mobilisation de la majorité silencieuse. Communiquer de manière proactive ! Et qu’il faut créer des "coïncidences" en étant présent là où ils se trouvent. Au supermarché, dans la cour de l'école ou au coeur du marché. Les informations que vous partagez doivent être accessibles et rapides à assimiler. En d'autres termes, elles doivent être simples.
Par ailleurs, je me suis rendue compte que derrière l’opposition d’un groupe qui s'exprime défavorablement vis-à-vis d’un projet se cache en réalité un énorme engagement. Ces personnes ont à cœur de préserver ou d’améliorer leur environnement et sont prêtes à y investir beaucoup de temps et d'énergie. S'adresser à la presse ou créer un groupe d'action apparaît alors comme un appel : ils veulent être entendus. Veillez donc à impliquer ce groupe dans le processus et à continuer à lui parler.